L’apparition de l’oiseau qui vole et
revient et qui se pose
sur ta poitrine et te transforme en grain,
grumeau, goutte céréale, l’oiseau
qui vole à l’intérieur
de toi, tandis que tu deviens
pure transparence,
pure lumière,
ta pure matière, corps
absorbé par l’oiseau.
(…)
Dans l’assoiffé, l’obscur, le rapide
déchirement du jour
t’es-tu peu à peu changé en autre chose
limitrophe de toi,
pas toi.
Tu ne te
retrouves pas
si tu reviens à tâtons
au corps qui fut le tien,
au lieu où avait brûlé
jusqu’au blanc du rêve
le métal de l’amour.
Dépose ton visage
qu’à présent tu ne connais plus.
Laisse fuir tes paroles,
libère-les de toi
et passe lentement
sans mémoire et aveugle,
sous l’arc doré
qu’étend là-haut le vaste automne
comme un hommage posthume aux ombres.
(…)
Ton image mélancolique
sur la vitre si ténue
effacée par la pluie
est l’image d’un enfant
toujours penché au-dedans de lui-même
qui cherche à tâtons l’image brisée
de ce qu’il a voulu être.
José Angel Valente
In Fragments d’un livre futur
Traduction Jacques Ancet
Éditions José Corti