Parole du rêve
Alors que là-haut
Me revenait le rêve
J’étais seul
Oiseau à l’orée de la nuit.
Sans me faire verbe
Il a légué à l’encre ses éléments
Et à mon sang
Un peu de ses forêts et de ses mystères.
J’ai appris comment le vent
Peut devenir un heaume pour ses voyages,
J’ai appris comment laisser dans son viatique
Mon nuage
Les talismans de mon siècle
Et un ciel qui troquait
Les maximes contre les jours.
De ce rêve je ne connais que ces mains
Qui étreignent des arbres
Gorgés d’absence, de peine
Et d’une pluie pourpre
Qui purifie mon chant.
Une nuit s’interpose
Entre cette aube jaillie comme un goéland éclairé
Par l’incendie et moi,
Elle me pare d’une heure incertaine.
La nudité grosse d’effroi est son domaine
Elle me somme de dissimuler
L’exsangue corps du temps alerte.
Entre le mur et moi
Du rêve je déploie le visage
Comme un écran de lointaines contrées.
Quand toutes les orbites se confondent
J’ai encore ta voix qui invente la caravane.
Je vois
Je me vois
Je vois le rêve
Je vois un matin qui regagne son village,
Je vois dans mon âme une forêt d’oiseaux captifs.
J’effleure les confins
Et je les peuple de frontières
La ville se dépouille de ses arbres
Elle émigre à travers les champs gris.
Quelle fontaine fera de moi
Une parure de poussière?
Quel miroir en le brisant me sera une porte
Dans la solitude de la nuit?
Qui, bec et griffes,
Se désaltérera de ma plaie ouverte
Au poignard de l’azur?
Le rêve m’a dit:
– Je tire orgueil
De m’abreuver au bout des cimes.
Le vent est l’enfance d’un chant
Qui ne saurait vieillir.
– Je n’avais soif que de mon eau.
Ma bannière était patrie et exils.
Je la plante dans les terres de l’errance
Et lui fais don de ma nudité
Mais je lui ai choisi la berge
Où traverser mes âges.
Braise je lui ai appris à n’être que braise.
Pour un chant sur ta plaie
Comme cendre incandescente
Pour cette voix recouvrant ta voix diffuse
Pour une banderole qui ne fut que mon feu
Pour un silence qui est visage
Venu hisser les années
Sur la selle de mon attente
Je recueillerai les villages-forêts de l’hier
Ou je me dissoudrai en arbres entre des mains.
Arbres à venir
Sang luxuriant
Entre deux pouces.
Chawki Abdelamir
In Parole du Qarmate
Traduit de l’arabe par Eugène Guillevic et Mohamed Kacimi
Éditions Arfuyen