Notre regard n’est pas fait pour voir,
mais pour qu’à travers nous le monde puisse se voir.
Écrire, c’est se tenir à côté de ce qui se tait
À force de toujours emporter son corps avec soi à tout instant,
de le tirer vers le dedans : pourra-t-on demeurer un jour dans ses gestes ?
Tu poses une pierre près de cet arbre pour marquer le lieu et le reconnaitre.
Ainsi tu crois désigner un lieu alors que c’est à l’intérieur de toi que tu fais signe.
Sentir équivaut déjà à une blessure, non pas une souffrance, une blessure
Si tu es porté à l’intérieur de ce qui n’est pas toi,
c’est pour être augmenté de tout ce qu’il te faut perdre.
Les mots disent toujours ailleurs.
– Que veux-tu qu’ils disent d’autre ?
Écrire, c’est maintenir l’appel,
n’être que ce lieu de cet appel.
On ne dit pas le mot fleur pour désigner seulement une fleur,
mais aussi pour ne pas trop se lier à elle.
Parler, écrire, c’est donner enfin au silence l’occasion de se taire,
de se tenir pour dit.
Tu es parfois le lieu que tu portes en toi.
Le vertige commence lorsque tu ne sais plus où se trouve le sol des mots.
(…)
Plus une source s’écoule
plus l’intensité de sa soif
fait entendre son appel.
Une source ne murmure pas,
elle Hurle de tout son corps
la soif qu’elle ne peut étancher.
On ne peut pas dire la présence
mais toujours ce qui part.
Jean-Louis Giovannoni
In Pas japonais
Éditions Unes