Dans la démesure des torrents
dis-moi les jours faciles
ceux qui viennent de loin
soustraire les plis de la mémoire
à la mesure d’un pain chaud
la table servie, le poème en creux
dans cette soif, dans cette faim
le rythme quotidien, le pas sur la page
Il suffit d’aller et nous le savons bien
Annexées à la mort, annexées à la terre
Dis-moi le livre, le chant, les radeaux
qui remontent le fleuve
les ombelles, les alcôves
la course folle vers l’estuaire
la course folle vers l’incendie
Si l’étoile devint l’étoile
dans le fracas de l’ombre
du commencement
Dis-moi le sel son acidité
son érosion et l’implosion des rocs
là où se trame la vie
là où se trame la mort
sur la durée ses labours
son écorce
Dis-moi le redoublement des racines
la femme qui s’avance sans amarres
et sans peur debout dans la distance
celle qui écrit au revers des courants
celle qui pense sous la cognée
à l’arbre qui perdure
aux forteresses aux clôtures
pour mieux les cisailler
d’un poème tranchant
comme l’or soir des certitudes
quand l’âme se délivre
de sa robe charnelle
et que liens se délient
comme fleurs sous l’orage
Jeanine Baude
In Juste une pierre noire,
Éditions Bruno Doucey