Je fore
Je creuse.
Je fore
Dans le silence
Ou plutôt
Dans du silence,
Celui qu’en moi
Je fais.
Et je fore, je creuse
Vers plus de silence,
Vers le grand,
Le total silence en ma vie
Où le monde, je l’espère
Me révèlera quelque chose de lui.
Je veux entrer
Mais je ne sais
Ni où ni dans quoi.
Il semblerait que ce soit là
Où je me confondrais
Avec la source de ce
Dont j’ai toujours eu besoin.
Mon royaume
C’est du silence
Où je ne règne pas,
Je ne régente pas.
Je le laisse me posséder.
Je l’aide en cela
Par tout ce qui me crée.
Je me baigne en lui
Comme si je le touchais
Par quelque chose en moi
Dont je ne connais
Que l’existence
Et-ce que de l’immensité
Il assigne à mon désir.
C’est le silence
Qui m’apporte, qui me donne
Le souffle du monde.
Il me permet
De me connaître en lui
A l’écoute
De mon être
Tel que je le pressens.
Il m’ouvre une porte
Sur une espace de calme
Où s’éclaire la présence
Indispensable.
Dans mon royaume
Je sens soudain passer par moi
Le constant croisement
De l’espace et du temps.
Eugène Guillevic
In Possibles futurs poèmes 1982-1994
Éditions Gallimard