Une invasion de paroles
tente d’assiéger le silence,
mais, comme toujours, échoue.
Elle essaie alors de coincer les choses
qui habitent le silence,
mais n’y arrive pas davantage.
Elle va finalement encercler les paroles
qui cohabitent.avec le silence,
alors se produit l’imprévu :
le silence se convertit en paroles
pour mieux protéger les paroles
qui cohabitent avec lui.
.
Et pendant que l’invasion des autres paroles
se dissipe comme un souffle furtif,
l’insolite s’accomplit :
les paroles qui restent
ressemblent alors beaucoup plus au silence
qu’aux autres paroles.
(…)
Il ne suffit pas de lever les mains ..
Ni de les abaisser
ou de dissimuler ces deux gestes
sous les embarras intermédiaires.
.
Aucun geste n’est suffisant,
même s’il s’immobilise comme un défi.
.
Reste une seule solution possible :
ouvrir les mains
comme si elles étaient des feuilles.
Roberto Juarroz
In ONZIÈME POÉSIE VERTICALE
Éditions LETTRES VIVES
collection TERRE DE POÉSIE